Bourses européennes "Starting 2021" : 2 lauréates CNRS Alpes en hadronthérapie et intelligence artificielle
Le Conseil européen de la recherche (ERC) a annoncé ce lundi 10 janvier les résultats de l'appel « ERC Starting Grant 2021 » qui financera cette année 397 jeunes chercheuses et chercheurs pour un montant total de 619 millions d'euros. Des subventions d'une valeur moyenne de 1,5 million d'euros aideront ainsi ces lauréates et lauréats de toutes disciplines à lancer leurs projets, former leurs équipes et poursuivre leurs meilleures idées. Parmi les récipiendaires, deux jeunes scientifiques au CNRS à Grenoble vont déployer grâce à ce financement européen leurs ambitieux projets de recherche, respectivement en intelligence artificielle et en hadronthérapie !
L'objectif des bourses « Starting Grant » est de permettre à des jeunes scientifiques de constituer leur équipe de recherche autour d'un thème original. D’une durée de 5 ans, elles soutiennent les projets scientifiques sur des sujets ambitieux. Sur ce concours, la France se classe en deuxième position avec 53 projets sélectionnés, derrière l’Allemagne (72) et devant le Royaume-Uni (46). Le CNRS compte 26 projets lauréats, répartis dans les 3 axes disciplinaires de l’appel : la physique et l’ingénierie, les sciences de la vie, les sciences humaines et sociales. Les deux projets grenoblois récompensés par cet appel Starting 2021 – présentés ci-dessous – viennent s’ajouter aux 89 projets issus de laboratoires du CNRS Alpes lauréats depuis la création de l'ERC en 2007, dont 51 portés par des chercheuses et chercheurs CNRS.
Intelligence artificielle | le projet MOMENTOUS
Le ciblage de l'information : comment en mesurer les risques et les atténuer ?
Projet porté par Oana Goga, chercheuse CNRS au Laboratoire d’informatique de Grenoble
© Bimal Viswanath
Nous assistons à un changement majeur dans la manière dont nous consommons l'information. Dans le passé, les individus avaient un rôle actif dans la sélection des nouvelles qu'ils lisaient. Plus récemment, les informations ont commencé à apparaître via les flux des médias sociaux des internautes, comme un sous-produit de leurs relations sociales. À l'heure actuelle, nous assistons à un nouveau changement apporté par l'émergence de plateformes publicitaires en ligne, où des tiers peuvent payer ces plateformes pour afficher des informations spécifiques à des groupes particuliers de personnes par le biais d'annonces ciblées payantes. Ces technologies de ciblage sont pilotées par des algorithmes d’intelligence artificielle (IA). L'utilisation de ces technologies pour promouvoir des informations, alors qu’elles ont été initialement conçues pour promouvoir des produits, ouvre la voie de l’utilisation de données personnelles d’utilisateurs à des fins manipulatoires. Les institutions européennes sont conscientes de ces risques et beaucoup craignent une militarisation de la technologie pour créer de la polarisation ou manipuler des électeurs.
L'objectif du projet d’Oana Goga est d'étudier les risques liés au ciblage de l'information par l'IA au niveau humain : dans quelles conditions les informations ciblées peuvent-elles influencer les croyances d'un individu ? ; au niveau algorithmique : dans quelles conditions les algorithmes de ciblage pilotés par l'IA peuvent-ils exploiter les vulnérabilités des personnes ; au niveau d’une plateforme : les technologies de ciblage engendrent-elles des biais dans la qualité de l’information reçue et assimilée par différents groupes de destinataires ? Forte de récents travaux dans la conception de systèmes d'audit indépendant pour la publicité sur les médias sociaux, la jeune chercheuse propose une nouvelle méthodologie d’évaluation des risques, rigoureuse et réaliste. En termes d’applications, Oana Goga s’appuiera sur ces résultats pour proposer des mécanismes de sécurisation pour les plateformes, les modérateurs et les utilisateurs, et entend poser des bases solides pour des technologies IA durables garantissant un ciblage « sain » de l’information.
Hadronthérapie | le projet PGTI
La PGTI, étape manquante vers la naissance de la thérapie par particules guidée par l'image ?
Projet porté par Sara Marcatili, ingénieure de recherche CNRS au Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie
© Pierre Jayet
L’hadronthérapie ou thérapie par particules est une nouvelle forme de radiothérapie : comme la radiothérapie conventionnelle, elle consiste à irradier les cellules tumorales avec un faisceau de particules pour les détruire. Alors que la première utilise des photons de haute énergie (ou rayons X), l’hadronthérapie repose sur des ions chargés positivement, notamment des ions hydrogènes ou “protons” (protonthérapie) ou des ions carbone (carbonethérapie). Comparés aux rayons X, les faisceaux d’hadronthérapie sont en théorie plus précis et les ions chargés délivrent la majorité de leur énergie au niveau de la tumeur visée, ce qui permet de maximiser les dégâts au niveau de la tumeur, tout en préservant au mieux les cellules saines autour. Cependant, les traitements d’hadronthérapie sont sujets à des nombreuses sources d’incertitude liées aux changements anatomiques du patient entre deux séances, à son positionnement, ou encore au calcul de la dose effectué avant le traitement. Afin de limiter les risques de surirradiation pour le patient, l’hadronthérapie est donc délivrée aujourd’hui de façon conservative. Ces incertitudes de traitement pourraient néanmoins être réduites par le contrôle en temps réel du parcours de l’ion au moyen de techniques d’imagerie (comme la tomographie par émission de positrons TEP) ; en effet, les particules secondaires, détectables par leur rayonnement, pourraient servir à visualiser le dépôt de la dose par le faisceau d’ions en temps réel pendant le traitement, et ainsi en vérifier la bonne réalisation.
Sara Marcatili propose d’exploiter le signal des rayons gamma prompts secondaires émis par les interactions nucléaires chez les patients pour récupérer des informations sur la portée des ions, la densité tissulaire et la dose. Afin de prouver les avantages de cette technique baptisée sous le nom de Prompt Gamma Time Imaging (PGTI), la jeune ingénieure grenobloise développera un détecteur dédié, un algorithme de reconstruction d’images, ainsi que des modèles pour corréler les images fournies par la PGTI aux distributions de dose en temps réel, afin de permettre, un jour, l'utilisation de cette technique pour la dosimétrie adaptative. Sara Marcatili espère ainsi amener cette technique aux portes de son application clinique !
Pour en savoir plus
- communiqué de presse de l’ERC
- liste des lauréats CNRS sur l’appel ERC Starting 2021
- lauréats ERC du CNRS Alpes depuis 2007
Contacts scientifiques
- Laboratoire d’informatique de Grenoble (LIG CNRS / UGA)
Oana GOGA, chargée de recherche CNRS : oana.goga(at)cnrs.fr
- Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie (LPSC CNRS / UGA)
Sara MARCATILI, ingénieure de recherche CNRS : sara.marcatili(at)cnrs.fr